Vous le savez, jeudi prochain, troisième jeudi de novembre, arrivera pour la 56 ème fois le fameux beaujolais nouveau.

Mais, le même jour, et pour la 5ème fois seulement, arrivera aussi le mot nouveau à l'occasion du 5ème édition du Festival XYZ... du mot et du son nouveau.

Mot nouveau ? Festival XYZ ? Késako ?

Si vous savez ce que c'est que bistrotter [1], qu'une chacaille [2], qu'une Chronocroute [3], qu'une Cigarrête [4] ou qu'un Intermiteux [5], je ne vous apprends certes rien ! (Voici la liste de tous les mots nouveaux en PDF)
Mais pour les autres sachez que le festival XYZ qui se déroule depuis 2002, le même jeudi que le beaujolais nouveau, où quelques amis célèbrent des mots nouveaux récoltés toute l'année, dans la veine des René Fallet, Raymond Queneau, Raymond Devos, Boby Lapointe, ...

Le créateur de ce festival est le sociologue havrais Éric Donfu, ancien maire-adjoint PS du Havre, de l'époque Duroméa [6], et qui a quitté le PS Havrais en 2001 qui était minés par des rivalités internes pour créer « Le Havre est à vous ».

Je lui ai posé quelques questions afin d'en savoir plus sur le festival XYZ du mot nouveau :

D'abord avant de commencer l'interview, Éric, est-ce que vous vous êtes déjà fait électroniqué ?

Éric Donfu : Oui, hélas, et même résigné. Mais je suis un électroniqué sans doute comme vous et tous les internautes... Mais qui ne l'a pas été ? Même la SNCF, et récemment EDF ! Et la panne n'est-elle pas comprise désormais dans tout électronique ou électroménager consumériste ! C'est donc bien un mot inventé qui a un usage - par manque d'usage - et qu'il serait sage de reconnaïtre ! C'est ce qu'à fait le festival lors de sa première édition, en 2002.

Le festival du mot et du son nouveau, c'est quoi ?

Éric Donfu : Le plus petit mais aussi le plus ambitieux des festival ! Depuis 2002, ce même jeudi de novembre, dans l'élan de René Fallet, Raymond Queneau, ou Bobby Lapointe, quelques amis célèbrent des mots nouveaux récoltés toute l'année. Ce festival a lieu cette année dans trois lieux successifs et est référencé en Belgique comme au Quebec. Comme chaque année, jeudi prochain, au Havre, le cru 2006 - environ 200 mots nouveaux et inventés - sera dévoilé, et soumis à la sélection du jury composé des personnes présentes et de toutes celles qui se sont exprimées depuis une semaine. Après électroniquer – Se faire électroniquer, se faire avoir par l'informatique (2002) puis humanicide, attentat aveugle contre des civils (2003), chaudard C'est plus que chaud, ça craint vraiment (2004) et Désoiffer, Mieux que désaltérer (2005) quel sera le mot nouveau 2006 ? Près de 200 mots proposés, collectés toute l'année, formant néologismes ou sens détournés, sur Internet et dans des rencontres seront soumis au vote.

Ce n'est pas un festival de poésie, ce n'est pas un festival de défense ou d'illustration de la langue française, c'est un festival d'invention de mots par toutes et par tous et de célébration des mots dans tous les sens des mots.

Combien de mots nouveaux chaque année ? A chaque rentrée, 150 à 200 vocables, expressions et sens nouveaux se retrouvent dans des ouvrages comme le Petit Larousse et le Petit Robert. Ce sont des mots dont l'usage a été constaté. Quant à l'académie Française, elle ne retient les usages que tous les 60 ans... Mais des mots nouveaux jaillissent chaque jour dans les dictionnaires buissonniers ! Comme le disait Boris Vian : « Et si les mots étaient faits aussi pour jouer ? » C'est bien de vouloir sauver des mots, c'est encore mieux d'essayer d'en inventer de nouveaux ! N'en déplaise aux archivistes du langage et aux académies, nous sommes, comme Victor Hugo, pour une langue vivante. « C'est en vain que nos Josué littéraires crient à la langue de s'arrêter, les langues ni le soleil ne s'arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c'est qu'elles meurent. » (Victor Hugo, préface de Cromwell).

En réalité, l'idée m'ai venue en 1990, en octobre 1990, lors de la première édition des "fureurs de lire" par le ministère de la culture. L'association culturelle et urbaine que j'avais créé, « Le Havre en Couleurs » avait organisé, sous la férule de Michel Lecureur, Yves Dupont et Jean-François Masse notamment, une journée Queneau - sans doute le premier hommage d'envergure au Havre depuis la mort du poète qui consistait en un itinéraire de la gare au volcan, avec des lectures de textes en musiques, mais aussi l'inauguration d'une statue, une plaque symbolique sur sa maison natale, la projection de « Zazie dans le métro » au Volcan et même un feu d'artifice mémorable, l'embrasement du Volcan. C'est lors que cette journée que j'avais lancé l'idée d'une rencontre régulière, au Havre, autour des mots, autour des sons, ce que la presse locale avait relaté. Voilà l'idée. Elle a été concrétisée qu'en 2002, car j'en s'en ressentais toujours le besoin et l'envie et que cela me semblait un digne hommage à Queneau, à l'occasion du centenaire de sa naissance.

XYZ... est un bébé, c'est aussi un festival modeste mais mordant, sans moyens mais avec mille messages, et qui mobilise des bénévoles et des neurones... Je pense sincèrement que si un minimum de moyens étaient consacré à ce projet culturel, car s'en est un, il pourrait être fondateur d'une identité reconnue de la Porte Océane, celle de l'inspiration libre, des langages mélangés, mais aussi le révélateur d'un fait trop ignoré : Le Havre est la seule ville de France qui s'est choisit son nom ! Le Havre nom propre était au départ un nom commun, François 1er avait décidé Franciscopolis, par haber, abris !!!

Cette juxtaposition du beaujolais nouveau et du mot nouveau, c'est parce que vous pensez que le beaujolais, ça délie la langue, et qu'on a plus de facilité pour inventer des mots, ou parce que grâce à cette opération, vous pouvez boire à l'œil tout le restant de l'année ?

Éric Donfu : XYZ... est un festival trop sérieux pour ne pas être traité avec humour... Je dois cette idée de juxtaposition à un ami, Alain Weill, biographe de Savignac et fin gourmet, qui avait adoré l'idée et m'avait convaincu de tenir cette rencontre le 3ème jeudi de novembre... Ce n'est pas rien, le beaujolais nouveau !, la rue célèbre le beaujolais nouveau. Ainsi, jeudi prochain, 420 000 hectolitres, embouchés dans 56 millions de bouteilles livreront leur bouquet, gouleyant, nerveux, étoffé ou séveux... Sur le traces de René Fallet, qui a publié ce roman savoureux « le beaujolais nouveau est arrivé » (Denoël 1975). Mais le lien est tout trouvé : Le mot nouveau va arriver ! Et, comme le disait déjà un proverbe du 16e siècle : « Il y a plus de paroles en un sestier de vin qu'en un mui d'iaue » !

Et pour vous, s'il fallait garder qu'un seul mot nouveau cette année, ce serait lequel ?

Éric Donfu : Celui qui sera désigné jeudi, et je je ne connais pas ! Je dois même vous faire une confidence, en quatre édition, ce n'est jamais le mot pour lequel j'avais voté qui a été élu ! Même si, en 2003, c'est un mot que j'avais proposé qui l'a été. Mais il n'y a pas que les mots nouveaux, la langue française offre déjà plus de 200 000 choix... Alors si un mot pouvait caractériser cette année, ce serait peut-être le mot attente, qui peut être un beau mot mais qui rime curieusement avec tenter comme avec attentat... et peut créer de l'impatience comme de la déception. J'en préfèrerais un moins chaudard... un mot nouveau sélectionné en 2004 par le festival et une caractéristique des émeutes urbaines de novembre dernier... tient une nouvelle expression !

Monsieur Éric Donfu, je vous remercie. Ah oui, j'ai une question qui me brûle les lèvres : est-ce que cette année encore vous serez candidat aux législatives comme il est annoncé que le blog « Comme une 76 » ?

Éric Donfu : Injustices, précarité, sont des mots que l'on aimerait bien remplacer par d'autre, même si les maux ne sont pas que des mots... . Mais vous vous doutez que ce n'est pas l'heure de vous répondre sur cette éventuelle candidature ,ni même sur la circonscription...Mais parlons mots, puisque c'est le sujet de notre agréable conversation. En 2002, j'avais pensé à un nouveau sigle pour réveiller la gauche : Parti de l'essor et du progrès social. Juste et classique, mais cela donne un acronyme sympa : PEPS. Alors oui j'ai du peps, et j'en souhaite déjà aux candidats et candidates à la candidature présidentielles... candidature à laquelle je vous confirme ne pas postuler ! Merci en tous cas à Comme une 76 - le jeu de mot est digne de Raymond Devos parrain regretté du festival -de faire vivre ainsi, avec talent, le débat démocratique sur la toile. Tiens, un nouveau sens !


Donc chaque année depuis 2002, le festival XYZ... du mot et du son nouveau, se tiendra à Paris, dans la semaine du beaujolais nouveau, le mardi 14 novembre à la librairie Trait d'Humour, 88 rue Didot (métro Plaisance) à 18 h 30
et au Havre, au bar Le Rustic 66 rue Jean-Jacques Rousseau (Rond Point) ce jeudi 16 novembre de 18 à 20 heures.

Plus de renseignements sur la site Le mot nouveau.

Notes

[1] abuser des bonnes choses

[2] Chacaille : n. m. (2005) 1° mammifère carnivore ressemblant aux chats et aux chacals se nourrissant de racailles. 2° Péj. Homme avide de pouvoir qui profite des victoires des autres en s'acharnant sur les vaincus. ex. : Le Ministre de l'Intérieur est un chacaille, il affirme : « Les racailles ne méritent que de vils pains sur la gueule ! »

[3] Il sagit tout bêtement d'une choucroute envoyée par chronopost pendant les périodes de fêtes

[4] Nom générique des médicaments permettant de cesser de fumer

[5] Intermiteux : n. m. (2005) par ext. n. f. : Intermiteuse. : Professionnel alternant de courtes périodes salariées sous payées (surtout dans le domaine artistique et du spectacle) à de longues périodes de chômage, souvent associés à de la racaille par les chacailles.

[6] ancien député-maire communiste du Havre