« C'est un beau roman, c'est une belle histoire », chantait en 1972 Michel Fugain. Il prêtait alors sa voix aux paroles de Pierre Delanoë, auteur des plus grandes chansons du répertoire français. Le parolier vient de nous quitter, mais ses milliers de chansons, ses centaines de tubes, resteront longtemps dans les mémoires.

La biographie officielle de Pierre Leroyer (Pierre Delanoë fut ensuite son nom de plume) débute généralement en 1948, quand il signe une première chanson pour Marie Bizet, rencontrée grâce à Jean Nohain. Sa vie d'avant, celle d'un jeune homme durant la guerre, est méconnue. Qui sait, en effet, que Pierre Delanoë vécut à Yvetot, puis à Sainte-Valery-en-Caux ?

Robert Tougard, spécialiste de l'histoire cauchoise et président d'honneur du Cercle d'études du patrimoine cauchois (CEPC) est évidemment de ceux-là. « Pierre Leroyer est né à Paris en décembre 1918. Il est arrivé à Yvetot en juillet 1939, raconte Robert Tougard.
Il avait alors 20 ans, était juste diplômé en droit de la faculté de Paris, et s'était vu attribuer - par le ministère des Finances - le poste d'agent surnuméraire dans l'administration de l'enregistrement, des timbres et des domaines. Il était à ce titre en relation étroite avec, par exemple, les notaires, mais l'on ne sait pas précisément où se trouvaient ses bureaux puisque le centre d'Yvetot sera détruit par la suite. »
Le 3 septembre 1939, la France mobilise sa jeunesse, et Pierre Leroyer part à la guerre. Il est démobilisé après la défaite contre l'Allemagne nazie, et revient à Yvetot en septembre 1940. Il s'est marié quelque temps plus tôt, précisément le 13 août 1940.
« La ville était en ruine, ajoute Robert Tougard. Mais il restera tout de même à son poste jusqu'en septembre 1941.
L'auteur Pierre Delanoë est décédé hier, à l'âge de 88 ans. Qui se souvient que cet auteur à succès a vécu ses 20 ans à Yvetot, entre 1939 et 1941 ?

Il gardera toujours un excellent souvenir d'Yvetot : des notaires Courtois, Baudard et Mesauguel, de l'entrepreneur Harival (spécialisé dans la plomberie, et dont l'affaire était alors rue Pasteur), du pharmacien Romain (aujourd'hui pharmacie Hauchecorne), ou encore des parties de tennis avec ses amis.
En septembre 1941, le futur parolier des stars de la chanson française quitte Yvetot pour rejoindre Saint-Valery-en-Caux (ville également détruite en 1940 par les troupes du général Rommel). Il occupe un poste similaire dans l'administration des Finances, puis devient rédacteur à la direction des domaines de Rouen en janvier 1947. Il y restera jusqu'en novembre 1954, dans à laquelle il démissionna pour participer en janvier 1955 à la création de la radio Europe n° 1. Il a alors déjà commis quelques jolies chansons, entre de plain pied dans le « show biz », et l'on connaît la suite.

Sébastien Bouchereau